« Fuyu no Hana » a été écrit pour être la chanson thème de Gosaigyô (Black Widow Business), un feuilleton japonais adapté du roman éponyme de Hiroyuki Kurokawa. Hiroji Miyamoto a donc choisi d’écrire cette chanson du point de vue du personnage de Sayoko Takeuchi. Cette femme utilise une agence matrimoniale pour se trouver de riches maris et empocher tout l’argent de l’héritage lors de leur décès.
À tombeau ouvert
Sorti sur Youtube le 11 février 2019, le clip a été tourné dans la préfecture d’Ibaraki, plus précisément sur la plage de Nikkawahama et dans l’enceinte de l’usine JFE Shôkô de Kashima. Pour le plan filmé au drone en bord de mer, il s’agit en fait de deux plans fusionnés, l’un d’une route au sein de JFE et l’autre des images du bord de mer plus au sud.
Derrière la réalisation de ce clip se trouve Yuichi Kodama (Nee de Perfume, Gate of Living de Sheena Ringo, etc.). Il a choisi de diviser le clip en chapitre comme un roman. Cinq chapitres mais aussi cinq rapports sur une boîte de vitesse et cinq étapes du deuil.
Prologue : marche arrière
Sur une route de bord de mer au soleil couchant, une Fairlady Z S31 de 1977 immatriculée 384. L’homme rejoint sa voiture un bouquet de roses à la main. Il espère une réconciliation.
Une vie qui disparait comme des pétales qui tombent. Même en comptant les moments de peine et les moments de joie, en comparant passé et avenir, elle ne peut se résoudre. Ils sont trop différents. Il est le soleil, elle est la lune. Leur futur en commun ne pourra qu’être rempli de larme et leur passé ensemble est trop beau pour être vrai.
Chapitre 1 : le déni
Un grand sourire. L’homme met la gomme, tout foufou. Il aura sa réconciliation. Qu’importe le passé, l’amour est le plus important. Il est pressé de la retrouver.
La vie en couple ressemble à un voyage. Mais dans ce voyage au milieu du froid hivernal, elle cherche à chaque instant la chaleur. Elle essaie de se persuader que leur vie est normale, que sa vie est normale.
Chapitre 2 : la colère
Mais il sait qu’il se ment. Jamais ils ne pourront se réconcilier. La colère monte. Il déverse sa rage sur son volant. Leur amour ne pourra surmonter cette épreuve. Tout est foutu…
La dispute. Elle se refuse de pleurer. Lui, pleure. Cela ne lui va pas, il est le soleil et non la lune. Elle lui dit de partir mais finalement c’est c’est elle qui part. Son cœur fait semblant de rire.
Chapitre 3 : le marchandage
Il s’arrête faire le plein dans une station-service déserte. Il regagne son calme et reprend la route au rythme du roulis des vagues. La vie n’est pas que bonheur. Il faut passer par des moments difficiles. Par ailleurs, sans compromis et sans promesses, il ne peut y avoir de vie à deux.
La tristesse fait partie de la vie. Les promesses aussi. Mais avec le temps, leur couple vacille. Il n’est qu’un bonheur mis en scène où les larmes coulent en coulisses. C’est pour son argent qu’elle s’est marié avec lui, non par amour. Même si elle s’est mise à avoir des sentiments, elle ne peut effacer ce fait.
Chapitre 4 : la dépression
Pourtant cela ne changera rien au fait que leur bonheur n’est qu’un bonheur de façade. Un bonheur derrière lequel se cachent des larmes. Il coule une bielle. Se battre est inutile.
Elle ne peut plus continuer à faire semblant et à le rendre malheureux. Se séparer de leurs nombreux souvenirs ensemble est la seule solution. Elle continuera seule.
Chapitre 5 : l’acceptation
Des bouquets de roses à l’arrière. Solitude au milieu des pétales. La colère lui fait péter une durite. Tête à queue. Il se défoule. Des dérapages de pétales rouges. Ce moment de colère passé, il revient à la raison. Leur couple ne peut être sauvé. Leur seule solution est donc de se séparer et de continuer leur voyage chacun de leur côté.
Elle ne pleure pas parce qu’elle est triste. Elle pleure parce qu’elle vit. Dans les périodes les plus dures, les plus froides, elle fleurit de manière éclatante, cela même si personne ne le voit. C’est donc avec le cœur en larme mais le sourire aux lèvres qu’elle décide de partir. Sa fierté, elle n’a pas perdu. Elle n’était pas faite pour cette vie. Ils étaient trop différents et sont partis du mauvais pied. Elle est une fleur de l’hiver qui ne fleurit qu’au plus froid de la saison.
La fin. Retour sur la route. Retour à la station service. Il est seul, elle est seule. Le sourire aux lèvres, la peine au cœur, la fleur de l’hiver se retire.
Sur les chapeaux de roues
Avec « Fuyu no Hana », Hirojo Miyamoto s’est offert un lancement de carrière solo sur les chapeaux de roue. Effectivement, sorti le 12 février 2019, le single se classe à la deuxième place du top Oricon hebdomadaire des sorties numériques. Qui plus est, au 28 février 2022, le clip cumule 13 232 737 de vues sur Youtube et le morceau 2 239 263 écoutes sur Spotify. Peu avant ce lancement solo, Hiroji Miyamoto s’était livré à deux collaborations, l’une avec Tokyo Ska Paradise pour le titre « Ashita igai subete moyase », l’autre avec Sheena Ringo pour le titre « Kemono yuke Hosomichi ». Déjà avec ce dernier, Hiroji a montré son talent pour jouer des émotions et en particulier la folie.
Transmettre les émotions
Cette folie, ces émotions qui le prennent aux tripes, Hiroji Miyamoto arrive à les retransmettre via sa musique et son chant. La preuve c’est que « Fuyu no Hana » ne nécessite pas de connaître le japonais pour être pris dans le tourbillon des émotions. Le violon, le piano et surtout la voix d’Hiroji font passer du calme à la tempête d’un couplet à l’autre si bien que ce morceau est le morceau qu’on a envie de jouer pour se défouler.
Mettre en image ces émotions n’est pas si simple et Yuichi Koddama a plutôt bien réussi son pari. D’ailleurs, le choix d’une voiture était parfait. Qui n’a pas eu envie d’appuyer sur le champignon pour se défouler ? Qui n’a pas ressenti cet instant de calme en faisant le plein dans une station-service déserte ? Petit bonus, la plaque d’immatriculation. Ici, les chiffres 384 se prononcent ici mi, ya et ji, ce qui donne Miyaji. Miya Ji. Miya(moto Hiro)ji. En résumé, 384, c’est Miyamoto Hiroji.
Passer les vitesses
Le nombre de vitesse sur une boîte automatique d’une Fairlady Z est le même nombre que les étapes du deuil. Alors que dans le roman, la protagoniste est en deuil suite au décès de son mari-victime, Hiroji Miyamoto se focalise sur la thématique du deuil amoureux. Pour ce faire, il reprend la théorie des cinq étapes du deuil de la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross (On Death and Dying, 1969). Au départ, cette théorie a été créée à partir d’observation auprès de personnes mourantes. Elle n’a jamais été testée et donc est contestée par des chercheurs. Pourtant le modèle a vu son utilisation élargie notamment pour comprendre la fin des relations amoureuses.
Les réactions observées par Elizabeth Kübler-Ross sont : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Le déni est la première réaction face à l’annonce de la fin. La personne n’y croit pas, elle pense qu’il y a erreur dans le diagnostic ou sur la personne. Ensuite intervient la colère. Pourquoi elle ? Qu’est-ce qu’elle a fait de mal ? Puis le marchandage commence. Que peut-elle faire pour changer la situation ? Faut-il de l’argent ? Dès lors que le marchandage est impossible arrive l’étape de la dépression. Si la personne ne peut pas changer la situation, pourquoi continuer de vivre ? Finalement, la personne atteint l’étape de l’acceptation. Elle va mourir et alors ? Finalement, elle peut faire la paix avec elle-même, faire des choses qu’elle a toujours voulu faire, préparer sa mort.
Mettre la gomme
Apaisement, colère, amour, rupture, passion de la conduite, Hiroji Miyamoto et Yuichi Kodama ont magistralement maîtrisé leur sujet. En outre, un clip focalisé sur le chanteur, sans autre âme qui vive, participe à faire ressentir cette solitude vis-à-vis d’une rupture amoureuse.
« Fuyu no Hana » a permis à Hiroji Miyamoto de montrer que même en solo, il en a sous le capot. Ce titre a été le point de départ d’une carrière solo jusqu’à présent réussie. Podium des meilleures ventes Oricon pour ses albums, accumulation de chansons thème et même son album 100% reprises, Romance, est une réussite.
N.B. : écouter ce morceau en conduisant risque de mener à des dépassements de vitesse.

