Hiroji Miyamoto, « Fuyu no Hana »

8 minutes

« Fuyu no Hana » a été écrit pour être la chan­son thème de Gosaigyô (Black Widow Business), un feuille­ton japo­nais adap­té du roman épo­nyme de Hiroyuki Kurokawa. Hiroji Miyamoto a donc choi­si d’é­crire cette chan­son du point de vue du per­son­nage de Sayoko Takeuchi. Cette femme uti­lise une agence matri­mo­niale pour se trou­ver de riches maris et empo­cher tout l’argent de l’hé­ri­tage lors de leur décès.

À tombeau ouvert

Sorti sur Youtube le 11 février 2019, le clip a été tour­né dans la pré­fec­ture d’Ibaraki, plus pré­ci­sé­ment sur la plage de Nikkawahama et dans l’enceinte de l’u­sine JFE Shôkô de Kashima. Pour le plan fil­mé au drone en bord de mer, il s’a­git en fait de deux plans fusion­nés, l’un d’une route au sein de JFE et l’autre des images du bord de mer plus au sud.

Derrière la réa­li­sa­tion de ce clip se trouve Yuichi Kodama (Nee de Perfume, Gate of Living de Sheena Ringo, etc.). Il a choi­si de divi­ser le clip en cha­pitre comme un roman. Cinq cha­pitres mais aus­si cinq rap­ports sur une boîte de vitesse et cinq étapes du deuil.

Prologue : marche arrière

Sur une route de bord de mer au soleil cou­chant, une Fairlady Z S31 de 1977 imma­tri­cu­lée 384. L’homme rejoint sa voi­ture un bou­quet de roses à la main. Il espère une réconciliation.

Une vie qui dis­pa­rait comme des pétales qui tombent. Même en comp­tant les moments de peine et les moments de joie, en com­pa­rant pas­sé et ave­nir, elle ne peut se résoudre. Ils sont trop dif­fé­rents. Il est le soleil, elle est la lune. Leur futur en com­mun ne pour­ra qu’être rem­pli de larme et leur pas­sé ensemble est trop beau pour être vrai.

Chapitre 1 : le déni

Un grand sou­rire. L’homme met la gomme, tout fou­fou. Il aura sa récon­ci­lia­tion. Qu’importe le pas­sé, l’a­mour est le plus impor­tant. Il est pres­sé de la retrouver.

La vie en couple res­semble à un voyage. Mais dans ce voyage au milieu du froid hiver­nal, elle cherche à chaque ins­tant la cha­leur. Elle essaie de se per­sua­der que leur vie est nor­male, que sa vie est normale.

Chapitre 2 : la colère

Mais il sait qu’il se ment. Jamais ils ne pour­ront se récon­ci­lier. La colère monte. Il déverse sa rage sur son volant. Leur amour ne pour­ra sur­mon­ter cette épreuve. Tout est foutu…

La dis­pute. Elle se refuse de pleu­rer. Lui, pleure. Cela ne lui va pas, il est le soleil et non la lune. Elle lui dit de par­tir mais fina­le­ment c’est c’est elle qui part. Son cœur fait sem­blant de rire.

Chapitre 3 : le marchandage

Il s’ar­rête faire le plein dans une sta­tion-ser­vice déserte.  Il regagne son calme et reprend la route au rythme du rou­lis des vagues. La vie n’est pas que bon­heur. Il faut pas­ser par des moments dif­fi­ciles. Par ailleurs, sans com­pro­mis et sans pro­messes, il ne peut y avoir de vie à deux.

La tris­tesse fait par­tie de la vie. Les pro­messes aus­si. Mais avec le temps, leur couple vacille. Il n’est qu’un bon­heur mis en scène où les larmes coulent en cou­lisses. C’est pour son argent qu’elle s’est marié avec lui, non par amour. Même si elle s’est mise à avoir des sen­ti­ments, elle ne peut effa­cer ce fait.

Chapitre 4 : la dépression

Pourtant cela ne chan­ge­ra rien au fait que leur bon­heur n’est qu’un bon­heur de façade. Un bon­heur der­rière lequel se cachent des larmes. Il coule une bielle. Se battre est inutile.

Elle ne peut plus conti­nuer à faire sem­blant et à le rendre mal­heu­reux. Se sépa­rer de leurs nom­breux sou­ve­nirs ensemble est la seule solu­tion. Elle conti­nue­ra seule.

Chapitre 5 : l’acceptation

Des bou­quets de roses à l’ar­rière. Solitude au milieu des pétales. La colère lui fait péter une durite. Tête à queue.  Il se défoule. Des déra­pages de pétales rouges. Ce moment de colère pas­sé, il revient à la rai­son. Leur couple ne peut être sau­vé. Leur seule solu­tion est donc de se sépa­rer et de conti­nuer leur voyage cha­cun de leur côté.

Elle ne pleure pas parce qu’elle est triste. Elle pleure parce qu’elle vit. Dans les périodes les plus dures, les plus froides, elle fleu­rit de manière écla­tante, cela même si per­sonne ne le voit. C’est donc avec le cœur en larme mais le sou­rire aux lèvres qu’elle décide de par­tir. Sa fier­té, elle n’a pas per­du. Elle n’é­tait pas faite pour cette vie. Ils étaient trop dif­fé­rents et sont par­tis du mau­vais pied. Elle est une fleur de l’hi­ver qui ne fleu­rit qu’au plus froid de la saison.

La fin. Retour sur la route. Retour à la sta­tion ser­vice. Il est seul, elle est seule. Le sou­rire aux lèvres, la peine au cœur, la fleur de l’hi­ver se retire.

Sur les chapeaux de roues

Avec « Fuyu no Hana », Hirojo Miyamoto s’est offert un lan­ce­ment de car­rière solo sur les cha­peaux de roue. Effectivement, sor­ti le 12 février 2019, le single se classe à la deuxième place du top Oricon heb­do­ma­daire des sor­ties numé­riques. Qui plus est, au 28 février 2022, le clip cumule 13 232 737 de vues sur Youtube et le mor­ceau 2 239 263 écoutes sur Spotify. Peu avant ce lan­ce­ment solo, Hiroji Miyamoto s’é­tait livré à deux col­la­bo­ra­tions, l’une avec Tokyo Ska Paradise pour le titre « Ashita igai subete moyase », l’autre avec Sheena Ringo pour le titre « Kemono yuke Hosomichi ». Déjà avec ce der­nier, Hiroji a mon­tré son talent pour jouer des émo­tions et en par­ti­cu­lier la folie.

Transmettre les émotions

Cette folie, ces émo­tions qui le prennent aux tripes, Hiroji Miyamoto arrive à les retrans­mettre via sa musique et son chant. La preuve c’est que « Fuyu no Hana » ne néces­site pas de connaître le japo­nais pour être pris dans le tour­billon des émo­tions.  Le vio­lon, le pia­no et sur­tout la voix d’Hiroji font pas­ser du calme à la tem­pête d’un cou­plet à l’autre si bien que ce mor­ceau est le mor­ceau qu’on a envie de jouer pour se défouler.

Mettre en image ces émo­tions n’est pas si simple et Yuichi Koddama a plu­tôt bien réus­si son pari. D’ailleurs, le choix d’une voi­ture était par­fait. Qui n’a pas eu envie d’ap­puyer sur le cham­pi­gnon pour se défou­ler ? Qui n’a pas res­sen­ti cet ins­tant de calme en fai­sant le plein dans une sta­tion-ser­vice déserte ? Petit bonus, la plaque d’im­ma­tri­cu­la­tion. Ici, les chiffres 384 se pro­noncent ici mi, ya et ji, ce qui donne Miyaji. Miya Ji. Miya(moto Hiro)ji. En résu­mé, 384, c’est Miyamoto Hiroji.

Passer les vitesses

Le nombre de vitesse sur une boîte auto­ma­tique d’une Fairlady Z est le même nombre que les étapes du deuil. Alors que dans le roman, la pro­ta­go­niste est en deuil suite au décès de son mari-vic­time, Hiroji Miyamoto se foca­lise sur la thé­ma­tique du deuil amou­reux. Pour ce faire, il reprend la théo­rie des cinq étapes du deuil de la psy­chiatre Elisabeth Kübler-Ross (On Death and Dying, 1969). Au départ, cette théo­rie a été créée à par­tir d’ob­ser­va­tion auprès de per­sonnes mou­rantes. Elle n’a jamais été tes­tée et donc est contes­tée par des cher­cheurs. Pourtant le modèle a vu son uti­li­sa­tion élar­gie notam­ment pour com­prendre la fin des rela­tions amoureuses. 

Les réac­tions obser­vées par Elizabeth Kübler-Ross sont : le déni, la colère, le mar­chan­dage, la dépres­sion et l’ac­cep­ta­tion. Le déni est la pre­mière réac­tion face à l’an­nonce de la fin. La per­sonne n’y croit pas, elle pense qu’il y a erreur dans le diag­nos­tic ou sur la per­sonne. Ensuite inter­vient la colère. Pourquoi elle ? Qu’est-ce qu’elle a fait de mal ? Puis le mar­chan­dage com­mence. Que peut-elle faire pour chan­ger la situa­tion ? Faut-il de l’argent ? Dès lors que le mar­chan­dage est impos­sible arrive l’é­tape de la dépres­sion. Si la per­sonne ne peut pas chan­ger la situa­tion, pour­quoi conti­nuer de vivre ? Finalement, la per­sonne atteint l’é­tape de l’ac­cep­ta­tion. Elle va mou­rir et alors ? Finalement, elle peut faire la paix avec elle-même, faire des choses qu’elle a tou­jours vou­lu faire, pré­pa­rer sa mort.

Mettre la gomme

Apaisement, colère, amour, rup­ture, pas­sion de la conduite, Hiroji Miyamoto et Yuichi Kodama ont magis­tra­le­ment maî­tri­sé leur sujet. En outre, un clip foca­li­sé sur le chan­teur, sans autre âme qui vive, par­ti­cipe à faire res­sen­tir cette soli­tude vis-à-vis d’une rup­ture amoureuse. 

« Fuyu no Hana » a per­mis à Hiroji Miyamoto de mon­trer que même en solo, il en a sous le capot. Ce titre a été le point de départ d’une car­rière solo jus­qu’à pré­sent réus­sie. Podium des meilleures ventes Oricon pour ses albums, accu­mu­la­tion de chan­sons thème et même son album 100% reprises, Romance, est une réussite.

N.B. : écou­ter ce mor­ceau en condui­sant risque de mener à des dépas­se­ments de vitesse.

Crédits

  • Réalisation : Yuichi Kodama
  • Parole/composition : Hiroji Miyamoto
  • Arrangement : Kobayashi Takeshi, Hiroji Miyamoto
  • Producteur : Takeshi Kobayashi
  • Arrangement des cordes : Takeshi Kobayashi, Udai Shika
  • Piano/clavier : Takeshi Kobayashi
  • Batterie : Gôta Yashiki
  • Guitare : Yukio Nagoshi
  • Basse : Tokie
  • Cordes : Shika Udai Strings
    • Violon :  Miho Shimokawa, Junko Suzuki, Moemi Harada, Iroko Imai, Akiko Tajima, Yuki Nanjô
    • Alto : Amiko Watabe, Mariko Shimaoka
    • Violoncelle : Udai Shika
  • Enregistré et mixé par Makoto Yoshida
  • Programmation et enre­gis­tre­ment par Ren Adachi
  • Enregistrement et mixage au Oorong Tokyo Studio
  • Ingénieur de mas­te­ring : Ted Jensen (Stering Sound New York)

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