Le chanteur et acteur Reshiki s’est associé au groupe de dance rock Kyuso Nekokami pour le titre « KMTR645 ». KMTR comme Kamatari et 645 comme l’année où s’est produit l’Incident d’Isshi. C’est de cet « incident » majeur pour l’histoire du Japon dont nous vous parlerons dans cet article.
Mais avant toute chose, le visionnage de ce clip est obligatoire.
Ils avaient les boules alors ils ont joué à la balle…
Tout commença par une partie de kemari…

Nakatomi no Kamatari (joué par Rekishi) jouait à une partie de kemari avec Naka no Ôe, le fils de l’impératrice. En frappant la balle, ce dernier perdit sa chaussure. Kamatari la ramassa et lui rendit respectueusement. Le début d’une longue amitié.
Mais avant d’aller plus loin, revenons à la situation du Japon à cette époque.
Depuis 642, le Pays du Soleil Levant est dirigé par l’impératrice Kôgyoku. Ne vous y trompez pas, elle n’était pas le modèle de la femme de pouvoir, elle n’était qu’une marionnette aux mains du clan Soga. D’ailleurs son époux, feu l’empereur Jomei, devait son trône à ce clan pro-bouddhiste.
En effet, quelques années auparavant, l’impératrice Suiko était morte sans dire clairement qui serait son successeur, alors que deux prétendants au trône s’étaient fait connaître : Tamura (qui deviendra Jomei) et Yamashiro. Soga no Emishi, alors ministre, joua donc de son influence (d’assassinat) pour faire de Tamura le nouvel empereur.
Puis, après la mort de Jomei, Soga no Iruka, fils d’Emishi, attaqua la demeure de Yamashiro poussant ce dernier à s’y suicider avec sa famille. Tout obstacle ayant disparu, le pouvoir revint donc à Kôgyoku.
À l’époque, le fils de Jomei et de Kôyoku, Naka no Ôe, avait 16 ans, trop jeune pour régner. Mais en 645, fort de ses 19 ans, voir le pouvoir lui échapper pour rester dans les mains des Shoga ne lui plaisait guère, d’autant plus que les Shoga étaient de loin trop autoritaires et utilisaient ce pouvoir pour leur propre bien. Ils allèrent même jusqu’à défier les convenances en se construisant palais et tombes plus belles que celles de la famille impériale. Pour finir Emishi accorda la Murasaki no Kanmuri (紫の冠) à son fils.
Et puis, nous avons Nakatomi no Kamatari.
Le clan Nakatomi était un clan de prêtres shinto. En tant que tel, il était le principal adversaire du clan Shoga pro-bouddhiste. Les Nakatomi perdirent d’ailleurs une première bataille lorsque la famille impériale devint bouddhiste. Avec cette conversion, l’empereur donna plus de pouvoir et d’influence au clan Shoga aux dépens du clan Nakatomi. Les shintoïstes avaient aussi la crainte de froisser les dieux locaux en important une religion étrangère.
Elle lui a tendu la main, il s’est fait battre
Après cette fameuse prise de contact lors de cette partie de kemari, Nakatomi no Kamatari et Naka no Ôe discutèrent avec Soga Kurayamada no Ishikawa no Maro et Amanoinukai no Katsumaro et vinrent à la conclusion que leur seule option était de tuer Soga no Iruka. Ils devaient soigneusement choisir la date et le lieu pour réussir et ne pas voir leur plan se retourner contre eux.
Le 12e jour du 6e mois 645 (c’est-à-dire notre 10 juin), une cérémonie se tenait à la cour de l’impératrice au Taikyokuden. Les trois Royaumes coréens présentaient leur tribu et une lecture des mémoriels devait se faire. Parfait pour un assassinat. Mais un premier obstacle devait être franchi : désarmer un Iruka prudent au point de frôler la paranoïa. Nakatomi no Kamatari prit le parti d’embaucher des comédiens pour le convaincre de déposer les armes. Amusé, Iruka accepta pour la première fois de se désarmer… Mal lui en a pris…

Une fois dans la salle de la cérémonie, Naka no Ôe demanda discrètement aux Gardes des Portes de fermer toutes les portes du palais. S’étant assurés de leur tranquillité, Naka no Ôe et Kamatari n’avaient qu’à plus qu’à attendre que Saeki no Komaro no Muraji et Katsuragi no Wakainukai no Amida no Muraji tuent Iruka pendant qu’Ishikawa no Maro/kurayamada lisait des mémoriaux des trois Royaumes de Corée à l’impératrice. Mais les hommes étaient trop effrayés pour prendre les armes dissimulées au préalable et attaquer Iruka. Nakatomi essaya de les booster mais rien n’y fit. Voyant cela, Naka no Ôe perdit patience, prit l’arme et trancha Iruka.
Malheureusement, il manqua son coup. Iruka put protester de son innocence et demander une enquête à l’impératrice. Naka no Ôe se défendit en indiquant qu’Iruka était en train de tuer l’empire. L’impératrice Kôgyoku se retira alors pour juger de la question. Mais les conspirationnistes n’attendirent pas son jugement. Les deux hommes finirent le travail qu’ils avaient eu du mal à commencer. Quand Emishi, le père d’Iruka apprit la nouvelle, il se tua en mettant le feu à sa demeure, brûlant par la même plusieurs trésors de l’empire.
Et tout finit bien…
Cet assassinat ayant eu lieu devant l’impératrice, elle fut considérée comme souillée et donc devant abdiquer. Elle choisit son fils, Naka no Ôe, pour lui succéder, mais Kamatari lui fit remarquer que le trône devrait plutôt être remis à Furuhito no Ôe (le frère de Naka no Ôe) ou à Karu (l’oncle de Naka no Ôe). Furuhito renonça au trône en devenant moine bouddhiste. C’est donc Karu qui devint l’empereur Kôtoku. Sa sœur, Kôgyoku, remontera sur le trône à sa mort sous le nom de Saimei.
Naka no Ôe endossa le titre de prince impérial et régna dans l’ombre sur le Japon. Puis en 661, il monta enfin sur le trône sous le nom de Tenji. Mais il refusera toute sa vie d’être reconnu comme l’empereur dans toute sa splendeur : il se considérait indigne d’une telle fonction après avoir frappé Iruka.
Mais, l’Incident d’Isshi ne se résume pas à un changement d’empereur. Ce fut aussi une étape importante pour le Japon. Une fois au pouvoir, nos ex-complotistes mirent en place les Réformes Taïka. Ce projet de réformes a été mené par Kamatari alors devenu Ministre de l’Intérieur. D’ailleurs sous le règne de Tenji, Kamatari atteignit la position la plus élevée du royaume : Daishokukan, et l’empereur lui accorda un nouveau clan : Fujiwara, un clan qui donnera de nombreuses épouses aux empereurs et époux aux princesses impériales.
Bonus (Tracks ? )
Alors que Reshiki joue le rôle de Kamatari et le chanteur de Kyuso Nekokami celui de Naka no Ôe, mais qui donc sont les autres membres de Kyuso Nekokami ?
Oh ! Là regardez, en début de vidéo, il y a le nom de leur personnage.
Mmm… En fait peut-être pas…
Les coquins ! Ils se sont amusés à faire des jeux de mots.
- Okazawa Zawa (guitariste) : Kazumax Edo o shissôru (カズマックス江戸を疾走る).
- Kazumax est un youtubeur spécialisé dans le café.
- Nezumi, Edo o hajiru est un drama historique sur un voleur surnommé Nezumi (la Souris). Mais la Souris de Kyuso Nekokami ne court pas, elle sprinte.
- Kawakubo Takurô (bassiste) : 1 Fuji 2 Taka Santa Claus(一富士二鷹サンタクロース).
- 1 Fuji 2 Taka 3 Nazubi (一富士二鷹三茄子), 1 Fuji 2 faucon 3 aubergine, si votre premier rêve de l’année contient ces éléments, la chance sera avec vous.
- Santa Claus = Père Noël.
- Yokota Shinnosuke (clavier) : Ora, Takasugi Shinnosuke (おら、たかすぎしんのすけ).
- Tachibana Shinnosuke (doubleur) faisant la voix de Takasugi Shinsaku (samouraï au XIXe, mort un an avant de voir son rêve réalisé avec l’avènement de l’ère Meiji) dans un drama CD.
- Sogô Taisuke (batteur) : Suke wa Jiyû da ! (助は自由だ!).
- Itagaki Taisuke, le monsieur des billet de 100 yen, chef du Mouvement pour la liberté et les droits du peuple. C’est lui qui gérera le Japon pendant qu’Iwakura se fera une balade en Occident.
Tiens, même le chanteur s’est retrouvé avec un pseudonyme.
- Yamasaki Seiya (chanteur) : Yamasaki Haru no Han Matsuri (ヤマサキ春の藩まつり).
- Magnifique série de vaisselle française blanche nommée Haru no Pan Matsuri de la marque Yamazaki.
- Han (藩) : domaine, système administratif aboli lors de l’ère Meiji.
- D’ailleurs, notez que, même si Seiya est habillé en dauphin, cet Iruka-ci n’a que peu à voir avec ce mammifère marin. Le Iruka de Soga no Iruka s’écrit 入鹿, là où dauphin s’écrit 海豚. 鹿 désigne le cerf Sika.
Un peu de lecture ?
Prince Toneri, Ô no Yasumaro, Nihon Shoki, 720.
Publié originellement chez Journal du Japon et mise à jour.