Murasaki Shikibu et Rekishi : une partie de chat dans Kyoto

7 minutes

Le chan­teur et acteur Reshiki aime revi­si­ter le Japon ancien. Avec Shikibu, il revêt les vête­ments de Murasaki Shikibu, célèbre auteur du Dit du Genji. Qu’on vous ras­sure, la vraie Murasaki Shikibu n’é­tait pas moustachue.

Avant toute chose, vision­nage du clip obligatoire !

Murasaki Shikibu (紫式部) est née vers 973 à Kyoto, alors capi­tale impé­riale et nom­mée Heian-kyo. Cette époque est ce que l’on appelle l’é­poque Heian, l’é­poque de la paix. Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est une époque où il valait mieux être un noble que de faire par­tie du peuple.

D’ailleurs être une femme noble n’é­tait pas non plus la pana­cée. Mariage poli­tique, inter­dic­tion d’a­voir un contact visuel avec les membres du sexe oppo­sé en dehors de sa famille proche, n’a­voir le droit de sor­tir que pour visi­ter des temples boud­dhistes. Bref, la femme idéale était plu­tôt du type joli cana­ri dans sa cage dorée.

Une femme pas comme les autres

石山月, 月岡芳年 , 1889
石山月, 月岡芳年 , 1889

Le père de Murasaki était Fujiwara no Tametoki. Il avait obte­nu deux postes impé­riaux : rokui no kurô­do (cham­ber­lain de 6e rang) et shi­ki­bu no dai­jô (grand secré­taire du minis­tère des céré­mo­nies). Lorsque l’empereur Kaan se reti­ra en 986, Tametoki quit­ta ses fonc­tions impé­riales pour se concen­trer sur l’é­du­ca­tion de son fils. Puis, Gouverneur d’Echizen (moi­tié nord de l’ac­tuelle pré­fec­ture de Fukui), il était aus­si poète. Être poète pour un noble à l’é­poque Heian était presque chose com­mune mais Tametoki a vu entre autres trois de ses waka sélec­tion­nés pour le Goshûi Wakashû.

Alors qu’à cette époque les enfants étaient éle­vés qua­si­ment exclu­si­ve­ment par les femmes, Murasaki fut éle­vée dans la mai­son de son père. C’est ain­si qu’elle put pro­fi­ter des cours de chi­nois et de lit­té­ra­ture chi­noise don­née à son frère. Elle était douée, bien plus douée que son frère au grand damne de son père qui en vînt à se deman­der pour­quoi elle était née femme et non homme.

L’éducation ne fut pas la seule chose qui dis­tin­gua Murasaki de ses contem­po­raines. Durant l’ère Heian, les filles étaient mariées dès qu’elles étaient en âge de pro­créer. Ces mariages étaient de nature poli­tique. Mais Tametoki ne maria sa fille que lors­qu’elle eut entre 25 et 30 ans. Son époux fut Fujiwara no Nobutaka, ami de son père et grand-cou­reur de jupon. Il avait près de la cin­quan­taine et déjà de nom­breuses épouses. Le mariage fut de courte durée : une épi­dé­mie de cho­lé­ra empor­ta Nobutaka deux ans après, lais­sant Murasaki seule avec sa fille.

Une romancière et poétesse à la cour impériale

Après la mort de son mari, Murasaki se mit à échan­ger des poèmes avec Fujiwara no Michinaga. Celui-ci la fit entrer à la cour comme dame de com­pa­gnie (nyô­bô) pro­ba­ble­ment pour s’oc­cu­per de l’é­du­ca­tion de sa fille Shôshi : de part ses œuvres, Murasaki avait acquis une cer­taine réputation.

À cette époque, Shôshi était pla­cée dans le harem de l’empereur Ichijô par son père, elle fut l’ou­til de son père pour cou­per court à l’in­fluence de l’im­pé­ra­trice d’a­lors, Teishi. Michinaga alla jus­qu’à faire de sa fille une impé­ra­trice avec le titre de chû­gû (Teishi por­tant le titre de kôgô). Pour construire son influence face à Teishi, Shôshi devait mettre en place son propre salon en ras­sem­blant des femmes écri­vains com­pé­tentes. Pour cela, elle s’en­tou­ra entre autres de Izumi Shikibu et d’Akazome Emon.

En incluant Murasaki dans sa cour, elle put suivre secrè­te­ment des cours de chi­nois et de lit­té­ra­ture chi­noise. Rappelons qu’à cette époque, les femmes japo­naises n’a­vaient le droit d’ap­prendre que le japo­nais et la lit­té­ra­ture japo­naise. Le chi­nois était la langue du gou­ver­ne­ment et des hommes et non une langue faite pour les femmes. La femme cana­ri dans sa cage dorée.

À cela s’a­joute une défiance ram­pante pour le chi­nois et à la culture chi­noise. Murasaki se retrou­vait à devoir cacher son éru­di­tion. Son carac­tère ne s’ac­cor­dait pas à la vie de cour non plus. Elle pas­sait pour arro­gante, trop franche dans un monde où l’hy­po­cri­sie régnait. Elle finit par pré­fé­rer se plon­ger dans l’é­tude de la lit­té­ra­ture et dans l’é­cri­ture dans la solitude.

Le Dit du Genji et autres écrits

紫式部の姿と歌 - めくりあひて みしやそれとも 分かぬまに(江戸時代の百人一首カルタと考えられる)
紫式部の姿と歌 – めくりあひて みしやそれとも 分かぬまに
(江戸時代の百人一首カルタと考えられる)

En par­lant lit­té­ra­ture, Murasaki avait com­men­cé à écrire le Dit du Genji soit à la mort de son mari soit un peu avant, les his­to­riens n’ar­rivent pas à s’ac­cor­der sur la date. Son roman était très appré­cié à la cour.

Dans le clip de Rekishi, un homme court après Murasaki. Cet homme est Fujiwara no Michinaga et le jeu de chat ren­voie à la pour­suite assi­due de Michinaga auprès de Muraski. Il fai­sait en per­ma­nence des avances à Murasaki. Elle se refu­sait à lui à chaque fois et elle lui refu­sait aus­si l’ac­cès aux nou­veaux cha­pitres de son roman. Cela n’empêcha pas Michinaga de s’in­tro­duire dans ses appar­te­ments pour lui en voler un chapitre.

En paral­lèle au Dit du Genji, Murasaki Shikibu a rédi­gé un jour­nal intime de sa vie (Journal de Murasaki Shikibu : 紫式部日記 ) à la cour ain­si que d’un recueil de 128 poèmes.

Ses écrits sont deve­nus des clas­siques de la lit­té­ra­ture japo­naise et même tout sim­ple­ment de la culture japo­naise. Certains de ses poèmes ont été com­pi­lés dans le Hyakunin Isshu, un recueil qui est la réfé­rence du jeu karu­ta. Le Dit du Genji a vu ses scènes ornées ukiyo‑e, éven­tails, meubles (dont le coffre dit du Cardinal Mazarin). Le kabu­ki en a fait des représentations.

Bonus Tracks

Murasaki Shikibu est un sur­nom comme cela était l’u­sage au Japon durant l’ère Heian. Il a été fabri­qué à par­tir d’une des fonc­tions du père de Murasaki : shi­ki­bu (secré­taire du minis­tère des céré­mo­nies). Pour Murasaki, avant que ce nom soit d’u­sage, elle se fait appe­ler Tô (藤) en réfé­rence au pre­mier kan­ji du nom de son clan les Fujiwara (藤原). Ce kan­ji signi­fie gly­cine. La gly­cine a des fleurs de cou­leur vio­let, qui plus est l’un des per­son­nages de son Dit du Genji por­tant le nom de Murasaki, qui veut dire vio­let. Un glis­se­ment a donc pu se faire entre les deux.

Genkidan Shikibu (劇団シキブ) est joué par l’ac­teur YASHIMA Norito ( 八嶋智人). Ce nom signi­fie le secré­taire du minis­tère des céré­mo­nies du théâtre. Peu de chose à voir avec le per­son­nage auquel il fait réfé­rence, c’est à dire Fujiwara no Michinaga, l’ardent cour­ti­san de Murasaki.

A 3m35s dans le clip, Rekishi com­mence a réci­té un poème. Il s’a­git d’un poème de Murasaki réper­to­rié dans le Hyakunin Isshu.

めぐりあひて 
見みしやそれとも 
わかぬ間に
雲がくれにし 
夜半の月かな

Meguri aite 
Mishi ya sore to mo
Wakanu ma ni
Kumo-gakure ni shi
Yowa no tsu­ki kana

Tant de temps pour le revoir
et le voi­là, à mon insu,
dis­pa­ru en cati­mi­ni comme
la lune enfuie en pleine nuit
der­rière un nuage.

Un peu de lecture

Murasaki Shikibu, Journal, 2014.
Murasaki Shikibu, Dit du Genji, 2011.
Murasaki Shikibu, The Tale of Genji.
Hyakunin Isshu
Coffre Mazarin repré­sen­tant des scènes du Dit du Genji.

Publié ori­gi­nel­le­ment chez Journal du Japon et mise à jour.

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